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MOMIES DE PALERME

2008

Série In Case We Die

Tirages chromogènes 120 x 80 cm, 80 x 120 cm, 30 x 20 cm et 20 x 30 cm.

Encadrements caisses américaines, atelier Jean-Pierre Gapihan, Paris.

 

 

À la fin XVIè siècle, les moines du couvent des Capucins de Palerme découvrent la faculté exceptionnelle de leur crypte à conserver les corps. Cette faculté s’explique par la sécheresse de sa roche calcaire et incite les moines à développer des techniques d’embaumement. En quatre siècles, plus de huit mille momies, parées de leurs plus beaux vêtements, seront exposées, accrochées aux murs ou déposées dans des cercueils. Cette pratique s’achèvera en 1920.

Isolant les momies dans le cadre de l’image afin de leur offrir un nouvel espace d’existence, Sophie Zénon joue de la vibration des formes entre le net, le flou et le bougé, conférant à l’image une pictorialité qui transfigure l’expression des cadavres.

Voulant se défaire de l’action mortifère de l’acte photographique, elle interroge ici le médium.

 

 

Expositions :

      Galerie Thessa Herold, Paris 2012

      Fondation d'art contemporain Fernet-Branca, Saint-Louis, 2011

      Fondation Pierre Bergé-Yves Saint-Laurent, Paris 2010

      Galerie ALB, Paris 2009

Editions :

       Des cadavres exquis, galerie Thessa Herold, Paris 2012

       Le Mois de la Photo à Paris 2012, MEP/ Actes Sud, 2012

       In Case We Die, éditions de Saint-Louis 2011

Livre d'artiste :

       Grand Livre de Palerme, pièce unique

       un fac-similé du Grand Livre de Palerme est édité par la galerie Thessa Herold en 12 exemplaires, accompagnés d'un tirage original

    

"Le sujet des images de Sophie Zénon recèle des sens cachés bien au-delà de la seule représentation. Cette artiste a choisi de donner vie dans ses derniers travaux photographiques aux momies des catacombes du couvent des Capucins de Palerme (...)

Dans le statisme et les atours de leur condition sociale, les corps déshydratés dans leurs habits nous renvoient, telles des figures de vanité, aux immenses questions du temps de la mort et de l’éphémère de l’existence (...)

Imprimant à chacun de ses sujets, la vie théâtrale et parodique que confère le mouvement, Sophie Zénon pose un regard digne, attendri et iconoclaste sur notre existence, sur le plus grand instant de toute vie, celui du renoncement final situé aux origines de toutes les croyances. Elle nous dévoile aujourd’hui une partie de ce travail imposant, « fait du vif avec du mort », et rejoint les accents lyriques de Francis Bacon dans une quête d’essentiel qui mérite toute notre attention (...)"

Yves Badetz, texte d'introduction de l'exposition à la galerie ALB, Paris, 2009.

"(...) En photographiant les momies, Sophie Zénon a entrepris une chose folle. Puisque les momies sont une image tautologique des morts pour lesquelles le temps ne coule que verticalement, n'ayant sur elles aucune emprise, et que la photographie n'est rien d'autre qu'une forme tautologique de momification, aurait-on à faire ici à une répétition déjà superflue ? A une citation de la citation, à une image de l'image de l'être humain ? Sophie a résolu ce dilemme de façon aussi géniale que simple : en niant l'existence de la momie - c'est-à dire en se référant au temps dans sa forme purement humaine. Dans la photographie, le temps se visualise le plus puissamment et le plus distinctement dans la durée, ou pour employer le langage technique, à l'aide d'une longue exposition. Ce procédé a permis à Sophie d'introduire le mouvement dans ses photographies. Seul être vivant dans les catacombes, entouré de milliers d'êtres impossibles à fairebouger, Sophie n'a pu opérer qu'à l'aide de son propre corps et de l'énergie qu'il pouvait libérer, en s'en remettant à son intuition, au hasard et àl'inconcevable (...) Ces photographies sont surprenantes. L'énergie du mouvement est en parfaite adéquation avec la forme, celle de la silhouette, de l'habit, de la position des momies, et l'expression qui émane de leur monotone existence quotidienne (...)."

Bogdan Konopka, texte extrait de la revue FOTOGRAFIA (Pologne), septembre 2009.

 

 

“Sophie Zénon s’est-elle rappelée de la manière dont fut perçue la photographie à ses origines, au moment où les images sont à ce point présentes que nous ne les questionnons plus ? Un texte célèbre d’André Bazin (Ontologie de l’image photographique) posait comme origine de l’art ce qu’il nommait « le complexe de la momie » : le besoin de défense contre le temps est, écrivait-il, « un besoin fondamental de la psychologie humaine ». Dans cette perspective, l’apparition de la photographie, qui donna l’illusion de réduire l’écart entre le monde et sa représentation, fut décisive : enfin, on pouvait préserver son visage et son corps par delà la mort, et fixer ce qui était voué à disparaître. C’est ainsi que, dès ses débuts, on prêta souvent des vertus magiques à la photographie, se demandant, comme Balzac, si elle était capable de capter les spectres lumineux de l’âme ou, comme en témoigne la vogue de la photographie spirite à la fin du xixe siècle, si elle pouvait faire apparaître les fantômes.

Les momies des catacombes de Palerme ont été saisies avec délicatesse, dans leur infinie altérité, et semblent vibrer, voire presque danser, entre présence et disparition. Comme Roland Barthes cherchant à retrouver l’image de sa mère défunte dans La Chambre claire, la photographe a su « entourer de [s]es bras ce qui est mort, ce qui va mourir », pour faire apparaître leur être, faisant ainsi vaciller la frontière entre la vie et la mort.”

Isabelle Soraru, université de Strasbourg, ceracc, 2011

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