Sophie Zénon, la traversée du paysage
Elisabeth Couturier
Connaissance des Arts, rubrique "Nouveau talent", mai 2023.
Photographe chercheuse, Sophie Zénon utilise les effets de transparences et autres manipulations chimiques pour révéler les couches enfouies de la mémoire.
Elle en convient volontiers : l’approche expérimentale et sensible de Man Ray ou d’André Kertész lui correspond mieux que la froideur conceptuelle de l’École de Francfort. Néanmoins, ces deux démarches influencent son œuvre et nourrissent la liberté dont elle fait preuve dans le maniement du médium photographique et des multiples ressources qu’offre le tirage argentique. Pièces uniques, livres d’artiste, éditions vidéo et installations, Sophie Zénon ne s’interdit rien. Son dessein ? Faire advenir les zones mémorielles invisibles à l’œil nu et révéler, au sens propre du terme, les traces d’une histoire oubliée, que ce soit celle de sa propre famille d’immigrés italiens ou celle de plantes arrivées par hasard dans les vêtements de soldats étrangers au gré des campagnes militaires. Aussi, dans l’exposition qu’elle présente à Strasbourg (du 31 mars au 28 mai), des photogrammes restituent-ils, grandeur nature, des plantes familières telles la roquette d’Orient ou la grande gentiane jaune. « C’est comme si je les laissais raconter leur histoire », dit-elle. Historienne et ethnologue de formation, Sophie Zénon aborde la photographie par des chemins détournés. De par ses nombreux voyages en Mongolie et son intérêt pour le chamanisme, elle entretient un rapport particulier avec la nature, l’esprit des lieux, le rapport aux morts. Certains paysages en noir et blanc dégagent une poésie lancinante qui, comme la peinture chinoise traditionnelle, relève d’une métaphysique. « Nouer de nouveaux récits avec les disparus me semble essentiel », affirme-t-elle. « L’utilisation des archives et de sources iconographiques diverses (photographies, cartes postales, radiographies, dessins, cartes géographiques) est un trait distinctif de mon travail… » Saisir ce qui finit par se diluer, le sortir de l’oubli, tel est son mantra.
Sophie Zénon en 7 dates :
1965 Naissance de Sophie Zénon au Petit-Quevilly, en Seine-Maritime.
1996 Premier voyage en Mongolie. Dix voyages suivront jusqu’en 2009.
1998 Études sur le chamanisme à l’École pratique des hautes études, sous la direction de Roberte Hamayon.
2008 Momies de Palerme (cycle In Case We Die).
2012 In Case We Die. Exposition à la Fondation Fernet Branca et entréeà la galerie Thessa Herold.
2015 Lauréate de la Fondation des Treilles (cycle Arborescences).
2022 Lauréate de la Fondation des Artistes (L’herbe aux yeux bleus, cycle Rémanences).