UN CHATEAU DANS MA TETE
Un atelier de Sophie Zénon (photographe) et Laurent Contamin (écrivain) avec le foyer d'accueil de jour Henri Vincent de Villers-Cotterêts.
Cet atelier a été développé dans le cadre d'une résidence de création portant sur la mémoire du château de Villers-Cotterêts, future Cité internationale de la langue française. Il a été mené en coopération avec le pôle photographique Diaphane et le CMN (Centre des Monuments Nationaux).
Le thème retenu par cet atelier est celui de la vie de château.
C’est quoi une vie de château ?
Quelle histoire peut-on raconter d’un lieu où l’on n’a jamais vécu ?
Quelles idées s’en fait-on ?
Est-ce forcément une vie dont on rêve ?
Le château de Villers-Cotterêts fut le théâtre d’une histoire mouvementée pendant laquelle se sont succédés moulte personnages aux profils très différents, des rois aux personnes âgées d’une maison de retraite, en passant par les infirmières d’un hôpital de campagne pendant la première guerre mondiale. A travers son histoire et son destin, c’est aussi toute une histoire de France qui s’écrit en creux.
La grande histoire du château ne commence réellement qu’avec le futur François Ier qui reçut de Louis XII le duché de Valois avec le château en apanage alors qu’il n’avait que 5 ans. Affectionné par les rois de France, en particulier Henri II qui savourait des chasses aux cerfs de sept ou huit heures d’affilée, Villers-Cotterêts devenait lors des séjours de la cour une sorte de capitale éphémère du Royaume où la politique se décidait. Les Orléans qui reçoivent le château en apanage par Louis XIV en 1661 y mèneront une vie de jeux, de conversation et de réception. Louis XIV y séjourna à plusieurs reprises. Une caserne de l’armée républicaine s’y installe brièvement en 1789, puis un dépôt de mendicité en 1808 pour les mendiants du département de la Seine, qui recouvre à l’époque Paris et une grande partie de l’actuelle banlieue. Le château devient une maison de retraite de 1889 à 2014.
(texte extrait du titre de présentation du château de Villers-Cotterêts)
http://www.chateau-villers-cotterets.fr/Explorer/Un-peu-d-histoire/Une-histoire-passionnante
Le Centre Henri Vincent de Villers-Cotterêt propose un accompagnement spécifique pour les personnes en précarité et/ou en demande d’asile.
Les résidents de ce foyer - individuels ou familles - ont des parcours différents : en rupture familiale, problématiques de santé, psychologiques, sans toit, migrants.
Ils ont entre 18 et 70 ans. Le besoin de soutien psychologique est immense, tout comme le désir de s’insérer / de se réinsérer.
Le travail dans cet atelier a été réalisé en duo et en collectif. Au delà d’un travail sur la mémoire du château, cet atelier a visé à :
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amener les résidents à mieux se connaître entre- eux, développer les contacts
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développer ses capacités de communication : travailler de manière bienveillante en laissant la place à l’empathie et au dialogue
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renforcer l’estime de soi et de la confiance
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leur offrir un espace de création pour les valoriser
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faire travailler la mémoire, susciter la parole
Le groupe avec lequel nous avons travaillé était constitué de six résidents. Une sélection de photographies issue de la base Regards montrant les différents espaces du château a servi de point d’appui aux résidents du foyer.
Chaque participant a d’abord choisi une archive issue du fonds de la base Regard. Chacun a imaginé une histoire à partir de cette archive. Les archives ont été projetées sur un mur blanc.
Chacun s’est mis en scène dans son archive. Travail photographique en binôme où chacun est tour à tout photographe et modèle. Travail sur la lumière, la mise en scène et la direction d’acteurs.
L’appareil photo a été fixé sur pied. Le photographe a pu ainsi effectuer son cadrage plus sereinement.
Cher André,
Quand j’ai vu cette photo, j’ai tout de suite pensé à toi. Je me rappelle que tu me racontais ta vie quotidienne dans le château. Je ne savais rien de ton passé à Paris, sauf que tu y avais été cordonnier. De là à comment tu t’étais retrouvé dans ce lieu d’hébergement, je ne voulais pas le savoir.
Tu me disais que la vie à l’intérieur était compliquée, avec une entente entre résidents inexistante, les repas de très mauvaise qualité. Il valait mieux acheter son pain aux commerces proches.
Il n’y avait pas de loisirs, sauf la télé, uniquement pour certaines personnes. La seule occupation que tu avais était de sortir aller chercher des bouteilles de vin que tu cachais dans un torchon. Tu buvais pour oublier, comme beaucoup de pensionnaires.
D’autres avaient des distractions plus intéressantes, comme ceux qui peignaient de beaux portraits, ou allaient se promener dans le parc.
Jean-Louis